Argument de la conférence

LES COMMUNAUTES : PROBLEME OU SOLUTION ?
 

Cette conférence fait suite à une conférence sur le Community Organizing qui s’est tenue à Vaulx-en-Velin en mars 2012. Le succès de cette conférence a montré qu’il y a une attente pour réfléchir à d’autres modes d’action, faisant plus confiance aux capacités des habitants des quartiers populaires à agir et à se mobiliser. La Chaire Unesco « Politiques urbaines et citoyenneté » et le collectif Pouvoir d’Agir souhaitent donc prolonger la réflexion engagée en se penchant plus spécifiquement sur les liens qui sont susceptibles d’être mobilisés et sur ce qui est susceptible de fonder un collectif. Il convient ce faisant de déconstruire un certain nombre de mythes associés à l’idée de « communautés » : des mythes qui, paradoxalement, nourrissent à la fois certains courants de pensée xénophobes et anti-républicains et les tenants les plus orthodoxes du modèle républicain français.

Depuis longtemps, les chercheurs observent que les quartiers populaires peuvent être des ressources, et que leurs habitants disposent de capacités d’initiative, de moyens d’adaptation et de compétences relationnelles qui gagneraient à être pris en considération. Dans les sphères politiques et de l’action publique, ce discours reste pourtant peu audible, même si les choses sont en train d’évoluer. En effet, face au constat d’un certain essoufflement du modèle français de traitement des problèmes publics, certains s’interrogent aujourd’hui sur la manière de repenser la participation des habitants à l’action collective, en proposant par exemple d’importer la notion d’empowerment dans les programmes de politique de la Ville. Pour autant, parler de valorisation des communautés ou des corps intermédiaires (associations, syndicats, collectifs, etc.) nous entraîne souvent en France à entrer dans des débats philosophiques et idéologiques virulents. Ainsi, le modèle républicain, supposé incompatible avec la reconnaissance des communautés, est opposé à un modèle anglo-saxon réputé plus ouvert à celles-ci, mais aussi moins égalitaire. De même, la solidarité instaurée par l’Etat-providence est perçue comme supérieure et inconciliable avec des solidarités communautaires qui enfermeraient les individus dans des appartenances culturelles, ethniques et familiales.

L’aversion française pour les corps intermédiaires et les communautés peut-elle et doit-elle être dépassée ? Cette question donne son sens à cette conférence. Il ne s’agit pas ici de prendre position dans les débats philosophiques et politiques sur ce qui doit constituer la République, mais de mettre en débat les connaissances issues des sciences sociales et de faire circuler les points de vue et les savoirs entre le monde académique et les mondes de l’action. On propose ainsi d’élargir la perspective et de mettre l’accent sur la façon dont les corps intermédiaires et les communautés sont perçus dans d’autres contextes nationaux. Dans des pays anglo-saxons comme le Canada, les Etats-Unis ou l’Angleterre, les citoyens, par l’entremise des mouvements associatifs et des comités qui ont émergé dans de nombreux quartiers populaires, jouent un rôle reconnu comme légitime dans l’action publique. C’est dans cette perspective que prennent sens les réflexions et expérimentations engagées en France autour du développement du « pouvoir d’agir » des habitants, qui invitent à repenser l’engagement collectif des habitants dans la production des solidarités. Plus largement, il s’agit aussi de questionner certaines représentations relatives aux « communautés » (entendues au sens des liens d’interconnaissance créés par une origine géographique ou par une identité culturelle partagée) en mettant en perspective les ressources que constituent les liens communautaires, comme les obstacles qu’ils peuvent dresser face à l’insertion économique et à l’intégration sociale.


 
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